samedi 21 mai 2011, par Laurent
Un Mistral hurlant vient cogner à nos fenêtres pour annoncer son travail de sape : toute la nuit durant il a chassé de lourds nuages pour nous offrir un plafond d’un bleu éclatant. Le soleil, malgré une présence quasi aveuglante, n’offre guère de chaleur. Sur les cuisses, encore raidies par les efforts consentis des deux précédentes journées, les poils se hérissent à la moindre bise venue s’y déposer au rythme de la brise vivifiante.
Le parcours du jour consistera en une boucle de 75 km agrémentée de 1300 m de dénivelé, le tout passant par les Gorges de la Nesque puis le Col Notre-Dame des Abeilles. L’équipe est en place. Ne manque à l’appel que Thierry, se rendant auprès de sa Maman, et Bertrand, qui préfère jouer la carte de la récupération plutôt que de la décomposition.
Les premiers kilomètres nous font craindre le pire pour le retour : le vent ne souffle pas, il nettoie la région à grands coups de gifles invisibles ! Sans pédaler, en direction de Bédoin puis de Villes-sur-Auzon, les 30km/h sont atteints. En sortie de cette dernière c’est l’entrée dans un paysage tout méditerranéen. Le début de la Nesque et d’un long, très long faux plat montant serpentant et dominant ces gorges somptueuses revêtues d’un manteau végétal parfois transpercé de parois rocheuses abruptes. Comme l’impression de rouler au temps de la préhistoire en observant ces grottes haut perchées. Laurent mène le train bleu orangé à allure constante. Sur ce ruban bitumeux, incliné entre 1 et 3%, il s’efforce de ne pas dépasser les 23 à l’heure pour préserver les organismes fatigués tout en profitant de cette vue sublimissime ! Attif vient offrir sa puissance pour prendre quelques relais. Frédéric Pondevie en fera de même ainsi que Sylvain Ollier. Une bonne dizaine de kilomètres plus loin et après avoir traversé trois tunnels percés dans la roche, le groupe s’arrête sur un promontoire dominant le paysage. Contemplation. Récupération. Attif se rapproche de son fils, Ilias, qui semble être un peu las. Après concertation, ils décident tous les deux de rebrousser chemin pour ne pas se flinguer dans les pentes piquantes du Col des Abeilles. Les quatre ultimes courageux du séjour, Frédéric Pondevie, Laurent Bendavid, Sylvain & Sylvain, filent vers Monieux. Le Mistral hurle par bourrasques. Sylvain Ollier n’aime pas le vent. A deux trois reprises il lâche prise. Dans une campagne balayée par ce sifflement à la puissance céleste, la végétation tangue de tout côté. Les 4 cyclos aussi ! La rampe du Col de Notre-Dame des Abeilles finit pas se présenter. Une route bien large au revêtement de billard. Bien entendu Laurent se lance à l’abordage. Cette fois ce n’est pas Sylvain O qui se lance à sa poursuite mais Sylvain K. Quand un Sylvain en remplace un autre ! Frédéric ferme cette marche roulante qui semble bien fatiguée et a de plus en plus de mal à rendre les coups qui lui inflige la pente. Le premier kilomètre, terrible, assomme littéralement Sylvain Ollier. Il voit irrémédiablement filer loin devant lui les deux Giant de Laurent et Sylvain Keller. Cuit il est, cuit il luttera, (bien) cuit il finira ! La pente s’adoucit. Sylvain Ollier aimant lui aussi la bagarre fait tomber les pignons pour s’aligner sur un 21 de moyenne. Mètre après mètre il rattrape son homonyme. Mètre après mètre il se fait violence. Laurent ne prend plus rien à Sylvain Keller. Serait-il lui aussi dans le dur ? De toute façon on sait, il sait, qu’il finira en tête. La seule once de combat sera au bénéfice des deux Sylvain. Frédéric Pondevie s’accroche et pousse son Giant (encore un !) vers ce sommet qui se fait attendre. Au loin, Laurent se relève. Il semble que ce soit la fin. Sylvain Ollier, revenu dans les roues de Sylvain Keller, ne va pas jouer la deuxième place : c’est Sylvain Keller qui a fait tout le boulot face au vent. Une fois Frédéric rejoignant son trio de tête, on pose tous pieds à terre pour une séance photo souvenir avec comme toile de fond… le Ventoux of course ! Témoin de la double bataille menée par le VCMP sur son ruban sombre le traversant de part en part et conduisant au sommet de notre gloire personnelle, il nous adresse ses félicitations sous la forme d’un souffle Mistralien. On remonte en selle. Aïe ! A force la selle devient douloureuse ! Belle descente. Mais que voit-on face à nous ?!? Une nouvelle rampe de lancement au pourcentage sévère ! Bon sang, on n’était pas au sommet ! Et ran ! Encore un coup de rein. Derrière arrive une nouvelle descente. Devant… une nouvelle rampe de lancement ! Cette fois ce sera la bonne : le panneau annonçant le Col de N-D des Abeilles est planté sur notre droite. Ouf ! C’en est fini des montagnes russes. Nous voilà partis pour un bon gros schuss de 10km en direction de Villes-sur-Auzon. A une allure pas très raisonnable, Laurent et Frédéric se rendent coup pour coup. Calé derrière eux, Sylvain Ollier en prend plein les mirettes avec cette vue panoramique s’offrant à son regard. L’adrénaline lui monte au nez : le pied absolu ! Plus de 70 km/h sur une large route où les vélos se croisent, le casque dans le cintre. Dommage qu’aucun d’entre eux n’ait un 52 dents : il y aurait de quoi envoyer encore plus ! Plus en retrait, Sylvain Keller assure son retour au bercail. Au terme de cette chevauchée cycliste, le regroupement se fait pour affronter… le vent de face ! La tempête devrait-on écrire ! Précédemment, Attif et son fils ont lutté pour rentrer. Même sur une route légèrement en pente descendante il fallait relancer sans arrêt. Alors imaginez face à un vent de 70 km/h et sur un faux plat montant de 5 km ! D’ailleurs, ce qui n’est pas surprenant au vu de son gabarit hors norme ( !), Sylvain Ollier casse. Il ne peut suivre le train imposé par Sylvain Keller qui se joue de la fatigue et de ce souffle divin. Frédéric ayant vu cette soudaine faiblesse en informe Laurent. Tous deux lèvent le pied pour attendre le retardataire. Devant, Sylvain Keller continue d’appuyer en se moquant des éléments. Retour pénible. Bédoin est atteint, le sommet du Ventoux une dernière fois observé avec tendresse et fierté. La fin de partie est sonnée.
Les zègles de la montagne que nous fûmes auront vécu une aventure humaine et sportive fort sympathique. Qu’est-ce qu’un zègle ? Un mix entre un zèbre, animal cyclo un peu pataud dès que la route s’incline, et un aigle, animal cyclo nettement plus aérien dans les bosses.
Quatre mousquetaires, sur les cyclistes qui auront roulé au moins une fois sur le séjour, ont réalisé l’intégralité du parcours. Les 210 km en pays Ventoux. Frédéric Pondevie, en maître de cérémonie, Laurent Bendavid, en maître des cols, Sylvain Keller en maître chanteur, Sylvain Ollier, en double mètre.
Nous avons été des géants. Nous avions tous l‘espoir de ne point se décevoir. En ces jours de lumière nous étions des guerriers qui ne souhaitions qu’une seule conquête, celle d’un idéal au nom majestueux : V-E-N-T-O-U-X !
Un bonheur ordinaire de routiers en quête de partage d’absolu.