Vélo Club Massy Palaiseau
Activité d'un groupe de vélo
Rendez vous "Sortie groupe" : Parking Recyclerie Sportive de Massy.

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Compte-rendu Paris-Roubaix cyclo 2012

dimanche 11 novembre 2012, par Fred

Mieux vaut tard que jamais....Sylvain Ollier nous propose son compte-rendu de l’Enfer du Nord qu’il a vécu (et terminé) en juin avec Pascal et Jean-Yves.

SOUVENIRS DE PARIS-ROUBAIX Sur la route (pavée)

« Sabre au clair ! Chargez ! » L’excitation au cœur et le sourire aux lèvres, le Grand Fusil harangue ses compagnons de route, le Gaulois et Philou Gilbert, pour se donner du courage avant d’attaquer cette sombre tranchée se dressant devant eux. Aux pieds des trois chevalements des anciennes mines de Wallers-Arenberg, les trois membres du VCMP filent en direction de cette inquiétante trouée se présentant devant leurs roues déjà bien secouées. Évitant une barrière de bois interdisant l’accès aux véhicules motorisés, les voilà pénétrant dans un univers aussi inhospitalier que gorgé d’histoires.

Décidé à en découdre avec ce pan de légende, le Grand Fusil prend la tête de l’attaque. Dès les premiers pavés, le choc est rude. Ce n’est que succession de baignes et de bruits de ferrailles. Les premières riment avec chute et blessure, les seconds font craindre la casse matérielle. Pourvu que la biomécanique et la mécanique tiennent bon ! Passant sous le pont minier de la Fosse d’Arenberg, le cœur cognant, les mains encaissant seconde après seconde les coups renvoyés par le guidon, il jette un œil sur cet horizon sans fin. Un mélange de plaisir et de souffrance se mêle dans son esprit secoué par ces milliers de boxeurs de granit aux formes biscornues. La violence du lieu lui fait craindre de devoir abandonner le combat en rendant les armes. Rejoindre sur le bas-côté droit la majorité des cyclos empruntant cette sente grisâtre faisant office de chemin lui paraît trop déshonorant. La gloire est pavés, la honte est cendrée. La souffrance de son corps meurtri atténue ses forces. Ce chemin forestier se déroule sous ses pneus tel un tapis incrusté de milliers de pistons cognant ses pneumatiques et dont les chocs se répercutent dans ses mains blessées. La Drève des Boules d’Hérin et ses 5 étoiles au classement des difficultés de Paris-Roubaix lui font serrer les dents comme jamais.

Juste derrière, le Gaulois, la mémoire revenue six années en arrière et à ce triste moment où il dû abandonner le combat en étant balancé dans ce chemin de terre grise, espère cette fois aller au bout du bout de la Trouée d’Arenberg. Hors de question pour lui que de descendre de l’arête sommitale de ces fichus pavés ! La folie qui s’est emparée de son complice au long tarin l’a fait sourire. La sagesse sera sa compagne tout au long de ces 2400 mètres d’enfer. Moustache frémissante, il se concentre sur chaque déformation du terrain, sur chaque coup de pédale. Obstiné, motivé comme jamais, il ne déposera les armes et, tel un cabri fougueux, il fera sauter son vélo avec agilité.

Le casque frappant son front, Philou Gilbert utilise la pleine puissance de ses cuisses pour compenser ses bras douloureux. Des maux de tête viennent lui rappeler des heures sombres et le prévenir que les voyants commencent à rougeoyer. La Tranchée de Wallers-Arenberg ne se mérite pas, elle se franchie aux forceps et à la gnac. Mathis, son fils, empli ses pensées et pour lui il ira arracher ce pavé signe de victoire qui l’attend là-haut, à Roubaix. La violence du lieu lui rappelle que rien ne sert de courir. Seule la maitrise des éléments lui permettra de vaincre.

Cette course est longue, difficile, piégeuse avec ses tranchées mal pavées ( !), avec ses trous, ses bosses, son climat incertain, sa poussière, sa boue, son vent du Nord. Il ne faut pas se leurrer, ça fait mal. Ici il faut venir avec une motivation extrême. On y vient comme sur un ring de boxe : pour donner des coups. Cyclo, si tu n’y es pas préparé tu vas en prendre !

Alors suffisamment armés pour guerroyer les trois valeureux du VCMP ?!?

Revenons quatre heures plus tôt, sur les coups de 6h30, et 100 kilomètre en arrière, au point zéro de Bohain-en-Vermadois, départ de l’édition 2012 de Paris-Roubaix cyclo. Le vélo est une histoire d’émotions et certaines épreuves ou sites de légendes, tel l’Enfer du Nord, ont le pouvoir de les magnifier. Rouler sur les routes des pros sur la moyenne ou la haute montagne, tout cyclo motivé l’a fait. Beaucoup moins nombreux sont ceux qui ont affronté les pavés, et encore moins sur une distance totale de 200 kilomètres dont 50 de pavés. Paris-Roubaix est un univers fort et singulier. Ensuite, il y a le défi, la découverte, la volonté de trouver d’autres sensations sur le vélo, tout ça quelle que soit la météo. Pour être tout à fait honnête, on ne peut ni affirmer que cette course est insurmontable ni qu’elle est accessible au plus grand nombre. Terrible ou facile, Paris-Roubaix est un prétexte pour explorer la part brute de nos êtres. Cette course n’est pas seulement destinée aux cyclosportifs affutés, mais à tous ceux qui acceptent de vivre en un même endroit un concentré ultime de la rudesse de notre sport. Telles furent les motivations de nos trois camarades de Massy-Palaiseau qui les poussèrent à venir défier cette reine des classiques, sans assistance aucune, dompter ces chemins d’un autre âge et pouvoir répondre ainsi à la fameuse question : "alors, c’est mieux de rouler au sommet des pavés ou sur les côtés ?"

Les trois gars du Vélo Club de Massy-Palaiseau présents sur cette édition 2012 sont donc :
-  Jean-Yves « le Gaulois » ENJALBERT
-  Pascal « Philou Gilbert » SAUSSOIS
-  Sylvain « le Grand Fusil » OLLIER

En cette vieille de course, nous sommes donc le samedi 9 juin 2012. Il est midi. Le Gaulois et Pascal quittent Massy pour aller récupérer le Grand Fusil sur Verrières-le-Buisson. Au même moment, ce dernier fini de monter ses roues de 25 mm sur son vélo carbone. La Honda de Pascal se gare. Sylvain s’approche, salue ses compagnons et c’est parti pour le Ch’Nord ! Cette demi-journée ne sera que route et encore route. Décidément les courses avec un point de départ et d’arrivée distants de plusieurs kilomètres ne facilitent nullement la logistique. Ce n’est que vers 19h00 que l’équipée belle en terminera avec son expédition. Roubaix. L’heure de dîner dans une brasserie sans âme. Dessert à peine avalé, direction Cambrai pour roupiller. Sélection du ou des ronfleurs. Pascal dormira seul. Jean-Yves partagera sa chambre avec Sylvain. Pauvre malheureux… Il ne sait pas encore que sa nuit sera courte mais surtout agitée ! Il est 4h00, Cambrai s’éveille. Il est 4h00, j’ai toujours sommeil. Petit-déj pris sur le pouce. Chargement express de la Toyota Prius de Sylvain. Direction Bohain-en-Vermandois. A dix bornes de la ville départ, les VCMPistes croisent des cyclos déjà sur le parcours.

Il est 6H30 du mat’. Religieusement nous plaçons nos plaques de cadre. ENJALBERT ? 954 - OLLIER ? 889 - SAUSSOIS ? 1116

Coups de pédales matinaux pour se rendre au gymnase où nos cartes de route doivent être tamponnées. Les friandises et autre café sont payants. Bon. Finalement Pascal décide de se rendre dans une boulangerie pour y déguster une chocolatine bien chaude. 6H45, l’heure d’enclencher les cale-pieds. L’heure des braves. La ligne de départ fictive est franchie de concert. Sylvain légèrement devant, comme déjà excité par la difficulté du jour. Un groupe d’italiens. Ca piaille déjà. Ma qué cé bon cette joie parlante ! On se cale dans ce mini peloton. On joue du dérailleur. Première bosse. Les danseuses sont de sorties. BOUM !... Regard inquiet de Sylvain en direction du vélo sur sa droite. Léger doute. Silence. Jean-Yves ralenti son effort et teste sa roue avant. Pas cinq bornes que nous voilà déjà en carafe ! Pneu monté à la va-vite offre courte vie. Demi-tour et direction la quatre pattes pour bénéficier de la pompe à pied. Pascal reste sur le lieu du crime, en bord de route, pour attendre les deux poilus. Dans les têtes ça cogite. Qu’est-ce que ça va être sur les pavés si ça pète sur le bitume ?! Sylvain en profite pour récupérer sa paire de lunettes oubliée dans le coffre de la voiture. Cette crevaison aura eu du bon. Les deux barbus renquillent les cale-pieds. Ca file droit, ca file vite. Pascal est rattrapé. On cherche un groupe, un peloton, un gruppetto. En fait on se fera rattrapé. C’est parti pour vingt bornes roulantes parsemées de bosses bien vives. Pascal connaît la chanson des longues distances. Il s’est bien protégé, en queue de peloton. Jean-Yves analyse les mouvements de cette bête aux multiples têtes. Devant lui, caler entre deux autres cyclos, Sylvain se laisse aspirer. La vie est belle, la pédale agile.

Le marquage au sol, qui nous accompagnera 210 kilomètres durant, est composé de deux lettres majuscules rappelant la majesté des lieux : PR. PR pour Paris-Roubaix. Sa couleur jaune fait penser au Tour de France qui, de temps à autre, vient arpenter les lieux.

Les vingt premiers bornes nous offrent bosses et fraicheur matinale. Qui a dit que Paris-Roubaix c’est plat comme morne plaine ?!? Rien que sur les cent premiers kilomètres le compteur affichera plus de 600 mètres de dénivelé. Ligne d’arrivée franchie, les mille mètres seront quasiment atteints. Certes Paris-Roubaix c’est avant tout les pavés et le vent mais aussi les coups de cul. Futurs volontaires, musclez votre pédalée !

Soudain, un nom vient glisser sur l’échine du peloton. Un mot magique et mystique. La clé d’un monde à découvrir pour les uns, à redécouvrir pour les autres : TROISVILLES ! Mélange d’excitation et d’inquiétude. C’est là que s’ouvrent les portes de l’Enfer du Ch’nord. Là que les choses sérieuses commencent. L’heure des comptes a sonné. D’un coup de reins énergiques, Jean-Yves s’extirpe de la meute en venant lécher son flanc gauche. A cette action aussi soudaine que violente, Sylvain vient de comprendre : Jean-Yves va chercher à entrer en solo chez Stablinsky (nouveau nom de ce premier secteur pavé en l’honneur de ce cycliste des années 60). Il a raison. Plus on est nombreux (sur les pavés) plus on est fous. A la sortie du village, Jean-Yves disparaît sur un chemin partant brusquement sur la gauche de la route. Une poussière jaunâtre l’enveloppe. C’est là !!! Ca y est !!! Excité, le Grand Fusil a le cœur qui bat la chamade, le sourire figé sur ses lèvres séchées par la poussière, les yeux grand ouvert. Pas de doute, ce sont les symptômes d’un masochisme naissant. Pascal regarde. Il cherche à copier les mouvements des équilibristes du caillou.

Babababababababababababa…. Nom de Dieu qu’est-ce que ça secoue du cintre ! Bienvenue les enfants ! Comme l’impression d’empoigner un marteau piqueur ! Les poignets morflent. Les doigts ne savent s’il faut serrer ce guidon prit de convulsions, comme on nous a dit de ne pas le faire, ou le laisser glisser seul sur cet infâme tapis cabossé, comme on nous a dit de le faire. Les casques se balancent d’avant en arrière. Les bidons giclent de leur emplacement. Y’a qu’à se baisser pour cueillir la chopine abandonnée de son voisin. Blam ! Une pomme vient à son tour de se faire la malle ! Au loin, tout au loin, le Gaulois Jean-Yves s’amuse. Léger, aérien, il surfe sur le haut du pavé. Derrière ça galère. Mais toujours heureux comme un gosse, le Grand Fusil semble s’amuser de cette situation inconfortable. Avec maitrise et sagesse, Pascal Philou Gilbert appuie de tout son corps sur cette première zone pavée. En pensant à son père qui a suivi tant de Paris-Roubaix et qui aurait tant aimé connaître cette sensation douloureuse, le cyclo au long tarin, ce Grand Fusil de Sylvain, roule avec plaisir sur ce secteur poussiéreux et casse vélo. Mathis, le fiston de Pascal, vient hanter l’esprit de son paternel pour le pousser à lutter contre ces agressions sourdes et blessantes. 2200 mètres d’apéritif pour découvrir la dure des dures. Bon sang que c’est costaud ! Jamais ils n’auraient cru que c’était aussi violent. Malgré ce choc, Sylvain a la banane. En sortie de secteur, Jean-Yves l’interpelle :
- « Alors ? »
- « Ô le pied ! P… c’est génial ! Géant ! Ah, j’me régale ! »
- « Gardes-en sous la pédale, garçon, car il reste 47 bornes comme ça ! Et ce n’est pas le plus dur que tu viens de t’envoyer ! »

Pas cinq bornes pour souffler qu’il faut à nouveau enchainer. Second secteur, VIESLY. Pas le plus mauvais. Juste derrière c’est l’enchaînement des troisième et quatrième secteurs. Petit calcul mental : 3700 + 1500 = 5200 mètres… Bon sang ! Pas de temps mort entre les deux. Ce double secteur serpente dans une plaine agricole baignée de silence. Dans une longue portion en faux plat montant, sous un soleil noyé au milieu de nuages légers, Jean-Yves, toujours devant, semble ralentir. Oui mais derrière ça ne va pas plus vite. Sylvain lutte. Il sent poindre en lui cette douleur si particulière résultant de l’addition de cette multitude de coups portés par ces pavés couchés en travers de ses roues. Le bas du dos le brûle. De grosses gouttes de sueur viennent perler sur le front de Pascal. Son cœur cogne. Ses bras subissent les vibrations et tentent, tant bien que mal, de servir d’amortisseur pour sa tête. Les vélos ont l’air d’être bien plus alertes que leurs maîtres. En sortie de ce double secteur, les combattants sont comme KO sur leur selle. Sylvain commence à réaliser le gigantisme de l’effort. Le Gaulois aux bacchantes légères sourit en voyant les visages de ses complices maculés de sueur et de terre. « Sylvain fais gaffe, ce n’est que le début ! », lance-t-il à l’attention du plus grand des trois. Il craint que la joie de ce dernier d’être sur ce parcours mythique ne vienne épuiser ses ressources. De plus, le fait que ce soit le premier 200 bornes de l’année pour Sylvain ne peut que lui compliquer la tâche. Pascal semble davantage dans la gestion de l’effort. « T’inquiète. C’est vrai que c’est sacrément costaud, mais c’n’est pas grave ! On va y arriver ! », répond avec assurance le Grand Fusil.

Le parcours est superbe. On passe d’un chemin pavé, posé en pleine campagne, à des routes bordées de maisons en briquette rouge. Le ravito de SOLESME arrive. Il n’arrivera jamais. Distraite, la bande des trois ne remarque rien. Comme entièrement focalisée sur ses proies pavées de mauvaises intentions. Ravito sauté ! Heureusement que leurs bidons ont leurs flancs bien accrochés. Pas de perte. Ni de crevaison d’ailleurs. Tout est au beau fixe. Moral, météo, matériel. Les trois « M » qui accompagnent sortie après sortie les cyclos que nous sommes. M comme magique aussi.

A nouveau les séquences essorages à vitesse maximale s’enchainent. Les douleurs commencent à s’accrocher durablement aux chairs. Pascal chope un mal de tête carabiné. Les secousses lui rappellent un souvenir sombre. Ses bras commencent aussi à le torturer. Mais son mental est aussi dur que le granit qu’il attaque de ses roues acérées. Seul en tête, tel un robot insensible, Jean-Yves continue d’avaler les secteurs. Les uns après les autres. Pavé après pavé. Rien ne semble le traumatiser. De peur qu’il soit trop heureux, de vilaines douleurs tendineuses et ligamentaires viennent meurtrir mains et poignets de Sylvain. Justement, depuis le passage du 5ème secteur, celui de VERTAIN, soit 50 km après le départ, le Grand Fusil ressent une vive douleur au niveau de son index droit. Impossible de le soulever sans morfler. Une simple torsion, due aux vibrations digne d’un marteau-piqueur, ou une blessure plus sérieuse comme le bris d’un os ? Ce n’est que 24h plus tard qu’il se rendra compte que le tendon s’est distendu. Pas grave. Il en reste neuf autres ! Et puis à chaud on ne ressent que moins les morsures de la blessure. Chaque nouveau secteur pavé ne fera pourtant qu’amplifier la douleur, à en serrer les dents et à en plisser les yeux pour tenter de faire fi. Rien n’y fera. Tant bien que mal (c’est le cas de le dire !), il essaiera de positionner sa main droite de telle sorte que la douleur ne le fasse pas trop douiller. Mais que faire sur un chemin fait de rocaille cagneuse et brutale ? Juste accepter la souffrance et avancer. Toujours avancer.

Les grandes victoires sont des diamants et la douleur est leur écrin. Les trois VCMPistes devront ajouter à leur tentative de réussite la petite trame de drame qui donnera toute sa dimension.

Quasiment depuis ce même passage, les bras de Pascal sont semblables à deux câbles secoués et traversés par des décharges électriques. Son buste semble recevoir des milliers d’uppercut lui donnant des maux de tête peu agréables. D’humeur égale, le sac à dos bien accroché, il joue sur du velours en assurant chaque combat en glissant ses roues sur toute langue de terre sèche ou herbeuse afin de ménager sa monture mais aussi son organisme. Pascal sait gérer l’effort, même si aujourd’hui la violence s’est ajoutée au défi. Les pavés sont à la fois révélateur de mental et réveil de blessures du passé. Franchir le pavé est déjà une terrible épreuve. Le réaliser avec un corps marqué au fer rouge est une vraie gageure. Chemins pavés faisant, Jean-Yves, dit le Gaulois, continue son bonhomme de… chemin ! Avalant les pavés comme il ingurgite les plats, avec son légendaire appétit sans fin. Ses deux compagnons de galère ne peuvent qu’admirer, loin devant eux, son séant ceint des couleurs de Massy-Palaiseau.

QUERENAING… HAVELUY… Un chapelé de stations de souffrance. Un chapelé de mythes. Ah ! que les glorieux guerriers du vélo ont dû souffrir sur ces cubes de pierre granitique ! On ne va pas se plaindre. En ce nouveau siècle le carbone permet de tenir tant bien que mal, alors qu’au temps de l’acier le feu devait leur brûler la paume des mains et la peau des fesses. Le Grand Fusil envoie sec sur le plat. Ses jambes semblent alertes. 35 km/h. 37 km/h. Il mène le peloton. Jean-Yves et Pascal montent relayer. Ca tourne. Ça sent le ravito numéro deux. Notre ruban multicolore entrent à Wallers, en ressort par Arenberg. Ca ne vous dit rien ? Encore des maisons alignées en rang d’ognons, le long de rues calmes. Briquettes rouge et fleurs donnent de la couleur au paysage minier que nous traversons, casque dans la potence.

Trois majestueux chevalements indiquent l’arrêt repas. Il est un peu plus de 11h00 du matin. Des centaines de cyclos festoient. Un groupe de fous furieux de l’histoire du cycle, chevauchant des vélos début XXème, en tenu d’époque, arrivent à leur tour. Carte postale d’un autre âge. Carte postale pleine d’histoires. On croit voir Octave Lapize ou encore Eugène Christophe. Ca sent bon la nostalgie. Mais une nostalgie qui a un prix pour les guiboles : 57x18 ! Qui dit mieux les garçons ?!? Messieurs les gentlemen de la route, chapeau bas !

Alimentés comme des pachas, les trois courageux du VCMP enfourchent leur monture de carbone pour se mesurer AU secteur par excellence. Celui référencé 5 étoiles. La grandissime tranchée d’Arenberg.

« Sabre au clair ! » Ca vous rappelle quelque chose ? Reprenons la suite de la bataille. Sylvain, toujours en tête, le casque sur les sourcils, les mains accrochés au guidon, lance toutes ses forces sur cette allée démoniaque. Faite de trous et de bosses, car surmontant de vieilles mines désaffectées et s’affaissant, il faut par moment sauter par dessus ces obstacles pour les franchir sans (trop) de heurts. Jean-Yves, au début hésitant, a lâché les chevaux. Coup pour coup, pavé après pavé, il file vers cette ligne imaginaire que marque la fin de la forêt. Dans cet environnement naturel boisé, Pascal s’arrache et serre les dents. Sa puissance lui offre ce coup de pédale primordial dans les passages tortueux et cabossé de cette route qui n’en est pas une. Mais alors pas du tout ! Les coureurs sont balancés d’un bord à l’autre. Ca tangue… ça couine… ça mord… ça pique... C’est bon de sentir sa vie lutter ! Encouragés par des supporters connaisseurs de la chose, l’envie revient. Le serment sera tenu. Un « YES ! » majuscule vient briser le silence des lieux. Le Grand Fusil, heureux comme un gosse, hurle sa joie teintée de fierté à la face de cette terrible sorcière aux dents acérées ! Il prend le temps de poser son vélo. Sourire figé aux lèvres, il lève en direction du ciel un poing rageur. C’est pour ses deux grands-pères qui, durs au mal eux aussi, auraient aimé voir leur rejeton s’envoyer sur ce parcours de dingue. Il s’approche de la voie royale. Jean-Yves, le Gaulois, perce lui aussi la forêt. Il entend les encouragements de Sylvain. Ils se tombent dans les bras. Un bonheur simple les envahit. Ils sortent l’appareil photo et attendent leur Pascal. A 200 mètres se dessine le profil de leur copain. Ce n’est que succession d’encouragements à son égard. Pascal sourit. Lui aussi a souffert. Lui aussi a réussi le pari qu’ils s’étaient jurés de tenir. Les trois gars du VCMP ont franchi la Mecque des pavés alors que les 2/3 des participants prendront le chemin cendré. Bon Dieu que ce fut bon ! Sylvain ne redescend pas. Il plane de plaisir. La Tranchée franchie, ne reste plus que… 100 bornes !

Chacun des membres de cette équipée sauvage s’est fixé un objectif personnel. Pour Jean-Yves il s’agit de passer tous les secteurs sur le haut du pavé. Lors de sa première tentative il ne put le faire. Pour Pascal le but est de rallier l’arrivée sans casse, que ce soit matériel ou physique. La distance ne lui posera aucun problème. Il le sait, lui l’homme des longues distances. Quant à Sylvain, au-delà de la logique de franchissement de la ligne d’arrivée, il souhaite rendre hommage aux trois secteurs Hors Catégorie du parcours en les franchissant par les pavés : Wallers-Arenberg, Mons-en-Pévèle et le Carrefour de l’Arbre. Bien sûr ils se doutent qu’ils devront faire face à l’imprévu. Mais les cartouchières sont garnies : 3 à 4 chambres à air par courageux. La pression des pneus sera volontairement abaissée à 7 bars histoire de gagner en confort.

Plus les secteurs pavés passent, plus nombreux sont les cadavres formés par les bidons, les pompes, les chambres tombées de la poche de leur propriétaire et autres barres énergétiques. Même transformés en Orangina pédalant (Secouez, secouez-moi !), nos trois cyclos ne sèmeront rien en route. Pourtant, les poches débordent : un appareil photo numérique, des clés de voiture, des téléphones, un GPS Tom-Tom (si, si !)… Ce ne sont plus des coureurs mais des mulets !

Sur le pavé la domination de Jean-Yves est désormais sans partage. Seule la puissance de Pascal sur le goudron permet de donner un coup de pattes au moustachu.

Les secteurs s’enchainent. A la sortie de l’un d’entre eux, Sylvain, qui commence à être méchamment secoué, lâche un « Quel enfer ! », tout droit sortie de ses entrailles douloureuses. Deux cyclos postés là lui répondent : « Ben oui ! On est dans l’Enfer du Nord, grand ! ». Sylvain sourit en se rendant compte que les mots finissent pas rejoindre la légende des lieux. Il en comprend que mieux la définition.

Sur les tronçons plats et bitumeux, Jean-Yves et Pascal prennent les choses en main. Tout comme cette immense centrale à charbon désaffectée auprès de laquelle louvoie le parcours, leur Grand Fusil est bien rouillé. Il hoquette sec. Pas la peine de lui demander de prendre un relais. Les passages d’autoroute flinguent le long tarin. Il est cuit l’Sylvain ! De vicieuses crampes finissent par venir lui mordre les cuissots. Quand arrive le MADIOT, ce secteur bien dégueulasse qui longe l’autoroute, Pascal et Jean-Yves laissent sur place leur camarade. Malgré un profil digne de la Grande Guerre, Pascal se joue du double vainqueur de Paris-Roubaix. Il sait que cela ne lui servira à rien que de forcer le passage en restant sur le pavé. Il n’est pas Jean-Yves. Sylvain non plus d’ailleurs qui finit par le comprendre. C’est ici qu’il prendra raison en acceptant d’aller rouler sur le bas-côté. Il ne peut se battre face à ces morceaux de croute terrestre arrachés à leur Bretagne natale (si, si !).

MONS-EN-PEVELE… Trois kilomètres en forme d’un quatre à l’envers. Deuxième des trois secteurs parmi les plus durs, parmi les plus célèbres. Nos trois vaillants se lancent le défi de le franchir sur le haut du pavé, juste pour l’honorer. Le sol est sec. La poussière légère. Les champs de blé, encore verts, offre un passage bucolique. Mais sous leurs sabots de caoutchouc, les destriers de carbone reçoivent des milliers de coups venus de l’enfer. Les mains brûlent de douleur. Les bras amortissent ces chocs avec souffrance. Les têtes essaient de garder le cap pour offrir au regard un horizon pas trop brouillé. Trois kilomètres. C’est long. Cela fait mal. Pas partout cependant. C’est étrange comme les guibolles tournent de façon alerte et sans rien ressentir. Un dernier virage à 90° sur la gauche. Clic-clac, merci (feu) Kodak. On est dans la boîte ! Un photographe attitré, assis dans le coffre de son break, vient de nous tirer le portrait. On pourra juger de l’état de nos gueules quelques jours plus tard. Dernière ligne droite, en léger faux plat montant. On tangue mais on appuie fort. On lâche pas ! On lâche rien ! Pascal pense à son fils auquel il a promis de ramener ce pavé en souvenir de cette épreuve unique. Tard dans la nuit, bien après avoir franchi la ligne de survie, il déposera sur la table de nuit de son fiston, avec délicatesse, ce trophée tant mérité. Devant, le Grand Fusil s’aplatit sur sa machine, se concentre, les yeux rivés sur le pavé défilant, dans un effort maximal il transpire, s’essouffle, mais ne parvient pas à revenir sur le surfeur de pavés qu’est ce Gaulois pétaradant de Jean-Yves. Léger faux plat montant de 400 bons mètres. Là-haut tout au bout de ce calvaire, des supporters attendent leurs proches. Des platanes nous indiquent une route sans aspérités. Ça secoue dans tous les sens mais on y arrive. Tous trois passent ce secteur de légende sur le haut du pavé.

Pas vu le pont du même nom, mais bien vu le secteur GIBUS. Une borne kilométrique spéciale Paris-Roubaix pro indique l’entrée. C’est ici que 20 ans auparavant le gars de Pau lança sa chevauchée fantastique. En l’honneur de ce double vainqueur qu’est Gilbert Duclos-Lassalle (92-93), toujours porté par le sens de l’histoire, Sylvain relance la machine à pavés. Pour se faire il n’a pas le choix : il faut pédaler souple mais vite. Il puise dans ses forces… et sa mâchoire ! Dents serrées, mains lestes, il pédale comme s’il était sur un contre-la-montre. Plus vite il ira, moins mal il aura. Devant lui Jean-Yves continue de gloutonner. Sous un ciel menaçant, il joue à saute pavés et aborde chaque secteur comme une séance de fractionnée : rythme de pédalage soutenu et cardio à bloc. Ses longues chaussettes le font passer pour un échassier léger et agile. Mais un échassier festoyant. Plus en retrait, Pascal continue son bonhomme de chemin. Il suit la troupe tout en chassant les passages les moins cassants. Mais ses bras et sa tête le tiraillent. Ses capacités physiques l’aident à surmonter la violence des coups. Tant bien que mal ( !) on tente de trouver sur le guidon une position la moins inconfortable possible. Que ce soit sur les cocottes ou en bas du cintre, rien n’y fait.

CARREFOUR DE l’ARBRE… Une bruine légère vient accueillir la bande bleue-orangée à l’entrée du terrible secteur du carrefour de l’arbre. Plus de quatre kilomètres de plaies et de bosses à se coltiner après plus de 180 kilomètres de course. Un rodéo musclé où les corps fatigués voient poindre sur leur gauche, au loin, une sombre masure plantée seule au milieu de champs de cultures sans âme. Il s’agit de ce célèbre restaurant du Carrefour de l’Arbre, ouvert à de rares occasions, dont celle de Paris-Roubaix. Pour l’instant le menu ne varie pas d’un iota : on avale des pierres à la sauce caillou. L’appétit faiblit mais on nous repasse sans cesse les plats. La digestion devient… indigeste ! Le Gaulois à l’appétit vorace commence à fléchir. Les écarts avec ses deux camarades de bataille se font moindre. Du côté de Pascal, sa stratégie de gestion de l’effort finit par payer. Nullement détruit, en pleine possession de ses moyens, il continue le combat. Certes, fatigué il l’est. Mais son expérience et sa sagesse font de lui un guerrier loin d’être achevé. D’ailleurs, c’est lui qui occupe désormais la deuxième place jusqu’ici tenue par son copain Sylvain. Têtu jusqu’au bout des doigts, ce Grand Fusil de Sylvain se fait justement mourir à petit feu en passant ce lieu historique sur le haut du pavé. Mais il ne roule plus : il rebondit d’une caillasse à l’autre. Un jeu dangereux à l’équilibre rendu instable par l’enchainement des difficultés et la fatigue accumulée. Son esprit prend le dessus, mais est-ce bien raisonnable ? A ce moment il est bien incapable d’anticiper. Il devient dangereux pour sa santé. Comment lutter avec un doigt brisé, des bras essorés et une conscience inconsciente ?

Finalement, tous les trois réussissent à dompter le trio infernal : Wallers-Arenberg, Mons-en-Pévèle, Carrefour de l’Arbre !

Le dernier des derniers se présente devant vos compagnons de club. Le secteur d’HEM le bien (mal) nommé. Logiquement nous nous attendons à n’en faire qu’une bouchée en mémoire de cette journée si extrême. Qu’une bouchée car l’ultime obstacle, mais surtout pas de la même trempe que les sommets précédents. Ah bon ?... Que nenni !... A se demander si HEM n’a pas subit un bombardement dans les jours précédents l’épreuve ! Du gros pavasse bien mal planté !… Des plaies béantes en travers du chemin !… Un sol plus qu’instable et inégal !… Ça fait mal de chez mal à en jeter son biclou à travers champ ! Qu’est-ce que c’est que cette cochonnerie d’HEM ?!? Même le Gaulois finit par déposer son bouclier en allant rejoindre le filet de terre sur la droite de ce parcours de démon. Pascal reste serein et attaque le secteur par le pavé avant d’aller glisser ses roues dans la bordure droite. Toujours aussi borné, le Grand Fusil jette ses dernières forces et ses vives douleurs dans un franchissement suicidaire : du pavé et rien que du pavé. Il ressemble à un pantin désarticulé servant de jouet à des forces invisibles. KO mais pas mort, à deux à l’heure mais pas au sol, il finit par traverser sur le haut du pavé ce champ de mines de bout en bout. Au terme de ce cauchemar, une sculpture métallique posée sur un socle granitique et représentant un vélo vient servir de reposoir et de lieu de félicité aux allumés de cette furieuse journée.

Les derniers kilomètres seront bitumés et urbains. Le temps de décompresser avant l’assaut final dans le vélodrome roubaisien. Le temps de faire les comptes et de ce côté là le bilan cata est maigre. Tant mieux ! Une seule crevaison à déplorer, au tout début de parcours, hors secteur pavé et pour une simple histoire de montage de roue à la va-vite. Une seule chute, pour Pascal, sur un secteur pavé, et encore amortie par les douces tiges d’un champ de blé. Par contre d’anciennes blessures se sont réveillées sous les terribles secousses des pavés et apportant leur lot de vives douleurs. Nos corps ne sont que chair meurtrie par ce granit cubique jonchant les sentes nordistes. Côté bobos, la liste n’est finalement pas si longue que cela. Jean-Yves ressort idem : R.A.S. ! A se demander s’il a bien participé à cet enfer. Pour Pascal, les bras le font souffrir mais c’est surtout ce mal de tête lancinant qui le turlupine. Souvenir sombre qu’il espère ne jamais voir ressurgir. Deux mains meurtries, dont le tendon de l’index droit claqué depuis le 30ème km, le bas du dos en compote et un point de douleur sur l’astragale de sa cheville opérée, telle est la liste des souvenirs marquants pour ce Grand Fusil de Sylvain. Les grognards du VCMP s’en sortent bien. A l’opposé le mental est aussi dur que cette matière sombre et compacte. Jamais les trois mousquetaires n’ont pensé à abandonner. JA-MAIS ! Quant à leur monture, c’est encore plus bref : seule la selle du vélo de Pascal aura cédé. Oui, décidément l’Enfer du Nord fut pavé d’une bonne attention à l’égard des ces rouleurs du Dimanche.

Mais revenons à la course ! Ultime ligne droite avant les deux virages en pente de la piste bétonnée. A la vue de ce vélodrome d’une autre époque, sur notre droite, une immense fierté nous envahie. La rue est barrée. Il est temps de virer à 90° sur notre droite. Une chicane pour hall d’accueil… Le son d’une cloche vigoureusement secouée pour signaler notre arrivée… Un murmure empli d’encouragements descend des travées pour nous accueillir… Et nos cœurs qui cognent fort dans nos poitrines gorgées de plaisir ! Notre Gaulois a le sourire béat d’admiration devant ce lieu où seuls des grands, des géants, des seigneurs de la route ont cassé du pavé en vainqueur ! Il pose son regard avec tendresse sur tout ce qui l’entoure. Il profite de l’instant présent. Carpe Diem. Ses deux compagnons ont une toute autre approche du lieu. Pour l’honorer quoi de mieux que de se tirer la bourre ? A coups de cannes, ils laissent sur place leur rêveur à moustache et se lancent à bloc dès l’entrée sur la piste. Sylvain hurle un « Allez, c’est parti ! » pour se motiver. Pascal choisit le bas de la piste. Le Grand Fusil grimpe en direction du haut du virage, pour aller lécher les barrières qui dominent cet anneau de couleur rose pâle. Grisé par cette modeste altitude, il envoie la plaque. Pascal l’a déjà enclenchée depuis un bon moment. Tout en bas, il fait tourner sa pleine puissance, regard fixé sur la ligne d’arrivée côté opposé. Un seul demi-tour de piste au lieu du tour et demi pour les pros. En tête, Pascal n’arrive pas à distinguer au-dessus de son épaule droite ce rapace au long tarin qui l’a fixé telle une proie à dézinguer. Peu importe, il ne reste que 200 mètres. Là-haut, Sylvain ne ressent plus de douleur. L’euphorie a de ces vertus qui vous galvanisent un mort-vivant. Ces cuisses maigrelettes se plaisent à danser sur l’arête de ce virage sec. D’un brusque coup de reins, voilà le Grand Fusil qui tire sa cartouche. Il n’aura droit qu’à un seul coup. Les naseaux dans le guidon, il fond sur Pascal en se jetant dans la pente. Quand Pascal fend l’air à plus de 40 à l’heure, son chasseur file à plus de 50 grâce à l’aide de ce virage en ciment. A moins de 50 mètres de la ligne d’arrivée, Pascal est toujours en tête. Mais la lutte devient inégale et il le sait. Il voit une ombre dégingandée lui passer sur la droite qui ne prend pas même le temps de lever les bras en signe de victoire. Un nouvel objectif s’est fixé dans sa rétine : attaquer le deuxième virage du vélodrome ! Pascal se prend au jeu et relance son effort. La bataille reprend. Toujours en haut pour Sylvain. Toujours en bas pour Pascal. Le résultat ne changera pas. Si ce n’est Jean-Yves, en retrait, qui regarde les deux loulous s’envoyer sur cette piste loin des pavés mordants. Il est temps de poser pieds à terre, de se féliciter, sourire aux lèvres, de se taper dans le dos et de prendre la photo souvenir qui marquera de son empreinte cette date dans nos vies. Pascal et Sylvain récupèrent leur « pavé-trophée ». Le premier l’offrira à son fiston. Le second à son paternel pour la fête des pères. La transmission. La filiation.

Assis sur le socle sur lequel repose un pavé géant faisant office de vigile d’accueil à l’entrée du vélodrome de Roubaix, notre moustachu a le regard qui s’évade et un sourire benoit. Sylvain s’approche de lui pour lui demander la raison de cette expression. « Je me demande pourquoi j’ai accepté de vous accompagner sur cette épreuve, alors que la dernière fois que j’y ai participé je m’étais juré de ne pas y revenir. » Tout est dit. Rideau.

Sur Paris-Roubaix il s’agit de courage, de fierté et de dépassement de soi. Les émotions sont ici étroitement liées avec la souffrance. Les larmes ont le goût de la sueur et les sourires celui de la douleur.

Peut-être que cette légende fait appel à une pulsion archaïque que nous avons tous éprouvée : souffrir pour vivre la quintessence de l’accomplissement personnel qu’est la fierté du travail bien fait, du défi relevé et réussi. A l’arrivée, chaque finisher n’a qu’un mot à la bouche : PLUS JAMAIS ! Jamais il ne recommencera cette épreuve. Soyons sûr que l’expression « jamais il ne faut dire jamais » colle parfaitement au décor, car René, Armand, Bernard et Jean-Yves lui-même sont les témoins vivants que l’on finit (toujours ?) par y replonger. Pourtant, à la question « le referiez-vous ? », soyez sûr que durant la course personne ne répondrait par l’affirmative. Guère mieux à l’arrivée. Ce serait, au mieux, un poli « non, mais… ». Par contre, quelques jours après… Demandez à Jean-Yves, Pascal et Sylvain. Ils ne seraient pas contre de remettre le couvert ! A suivre…

Pour le côté purement gloriole, les trois valeureux du VCMP auront enrichi leur palmarès d’un « pavé » supplémentaire :
- Pour Jean-Yves c’est une collection de grands noms : Liège-Bastogne-Liège, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, etc.
- Pascal aura réalisé en trois ans les trois classiques les plus mythiques : Liège-Bastogne-Liège, Bordeaux-Paris et Paris-Roubaix.
- Sylvain, en à peine plus de 12 mois, aura accroché un sympathique triptyque : le Mont Ventoux (par Malaucène et Bédouin), l’Etape du Tour et Paris-Roubaix.

Comparaison n’est pas raison et la copie ne vaut par l’originale, mais paraphrasons le père du Tour, Henri Desgranges, en y apportant une touche personnelle : « Ô Ventoux, ô étape du Tour (…), à côté du Paris-Roubaix vous n’êtes que de la pâle et vulgaire bibine ! ».


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