jeudi 22 juillet 2010, par Laurent
Mais c’est en hommage à un autre célèbre écrivain auvergnat, Jules Romains, que cette cyclo-sportive a emprunté le titre de l’un de ses ouvrages majeurs, Les Copains. Longeant l’unique Mairie ronde de France, un arc-en-ciel colore la rue où se sont massés plus de 2100 cyclistes piaffant d’impatience d’en découdre tout au long des trois parcours de l’épreuve : 85 km – 123 km – 158 km. Sous mon maillot du VCMP, l’anxiété se mêle à l’excitation. Deux émotions ennemies du sportif. C’est la pensée des 21 premiers kilomètres que nous allons gravir à froid, le Col des Supeyres (entre 4 et 7%), qui m’inquiète un peu. Sachant que je n’ai rien d’un super dans les bosses, cette appréhension est après tout bien naturelle. Surtout que je compte bien me mesurer au grand parcours de 158 km et ses 2.869 mètres de dénivelé.
Invité par l’organisateur, l’acteur Christian Marin prend la parole avant de faire tonner le canon de départ. S’il est parmi nous en ce jour, c’est parce qu’il tint en 1965, sous la direction d’Yves Robert, un rôle dans le film éponyme (Les Copains), aux côtés de Philippe Noiret, Jean Lefèbvre , Claude Rich, Pierre Mondy et autre Jacques Balutin. Celui qui fut Laverdure dans Tanguy et Laverdure, ou qui joua encore le rôle de l’un des gendarmes dans la série culte du même nom, nous gratifia de quelques tirades qui montrèrent sa vivacité d’esprit à plus de 80 ans : « Je suis heureux de voir que les coureurs ont la Fourme ! » « Aujourd’hui, regardez bien les roues des vélos car il y aura une surprise : les rayons seront ceux du soleil ! » Au moment du départ le temps est bien couvert, alors que 24h plus tôt la canicule surchauffait la région et la veille au soir l’orage déversait des torrents de pluie sur les routes.
Le coup de canon de cette 23ème édition est donné peu après 8h05. Je n’ai toujours pas aperçu le moindre maillot du VCMP. Pourtant je sais que Pascal Millot s’est inscrit sur cette course. Ce n’est pas sur le parcours que je risquais de le voir. Ou alors très très loin devant ! Il est un peu plus de 8h10 quand je passe sous l’arche du départ officiel, un bracelet rose fluo enroulé autour de ma cheville pour le chrono. Finalement, ce premier col tant redouté me rassure : je double plus que je ne suis doublé. Il faut dire que je suis parti en fond de sas. La brume matinale nous accompagne en début de course et nous offre des couleurs magnifiques dans les passages en forêt. En traversant le village de Valcivières, un accordéoniste nous accueille au son de son instrument de musique. Accoudés à une barrière surplombant la route où nous défilons, les pompiers nous acclament. Je ne peux m’empêcher de leur dire que les vrais sportifs, eux, devraient être à notre place. Ils rigolent et me rétorquent qu’ils sont très bien là à nous encourager. Je les informe que dans 10 km ils pourront venir secourir un maillot frappé du Massy 91 qui sera en perdition, moi ! Dernière tranche de rigolade échangée avec nos supporters d’un instant tout en m’éloignant sur cette belle montée. Je constate qu’en bord de route ont été plantés des panneaux éphémères. Ils comportent les noms des clubs les plus représentés. Je n’y croiserai pas celui de Massy. Mais des citations et des encouragements sont également marqués. C’est très sympa et bon enfant. Une heure et quart plus tard me voilà au sommet. Un grandiose paysage d’estive se dévoile sous mes yeux. Nous entrons sur les hauts plateaux du Forez, vaste espace vierge de toute habitation, si ce n’est quelques jasseries cousines des burons cantalous. Des vaches y passent leur été. Rouler en ce lieu est la récompense de notre premier effort de la journée. C’est tout simplement beau !
Premier ravito après 30 kilomètres, perché sur un virage surplombant un paysage verdoyant. Il n’y a pas d’erreur sur le parcours, nous sommes bien en Auvergne : ici pas d’Isostar sur les traîteaux mais du saucisson et du jambon ! Pour le vin il faudra attendre de franchir la ligne d’arrivée. On repart en direction de St-Anthème, Saillant, Eglisolles, Viverols. Ce n’est que succession de virages, de bosses et de descentes traversant une campagne qui vous prend aux tripes. Après le Col des Limites, 5 km à 6%, les premiers groupes se forment. Les pelotons ont vécu. Je m’accroche à une grappe de coureurs semblant rouler à une allure devant me convenir. Notre long serpentin multicolore traverse de nombreux villages où nous accueillent des animations musicales et festives. Quel spectacle surréaliste mais ô combien émouvant que de croiser en pleine nature, au bord d’une petite route de campagne, une petite fille timide mais concentrée qui joue du violon à notre passage ! Scène résumant la popularité de cette cyclo-sportive qui laissera à tous ses participants des souvenirs emplis d’images inoubliables.
Second ravito. Km 62. Viverols a réservé les flancs ombragés de son église pour établir la pause cyclo. Re-saucisson et re-jambon. Les pêches ont ma faveur. Le Bougnat Cola, soda local au parfum de gentiane, vient émoustiller mes papilles. On repart, direction le Col de La Faye. Pendant 6 km une pente moyenne de 5% va me faire ressentir ma première fatigue physique due à l’enchainement de dénivelés. Il faut dire qu’après 70 km on a déjà avalé 1200 m de dénivelé. Peu avant Arlanc, après une longue descente depuis le sommet du précédent col, alors que la chaleur s’installe durablement sur nos épaules, les parcours des 123 km et 158 km se séparent. Je n’hésite pas et file sur le plus long. Avec une météo pareille et une assez bonne forme, il serait idiot de ne pas relever le défi du grand parcours. Peu après ce choix, je suis surpris par cette subite solitude que je constate alentour : ils sont tous partis sur le 123 km ou je me suis fait larguer par le gros du troupeau ? Un peu des deux mon capitaine ! En effet, à l’arrivée j’apprendrais que seuls 663 coureurs ont terminé le 158 km, 748 le 123 km et 293 autres le 85 km. Pour un peu plus de 400 abandons et hors délai. Pour rappel, nous étions plus de 2100 partants.
Troisième ravito. Km 92. Arlanc. Malgré une approche quasi plate sur les 10 derniers kilomètres, ce ne fut pas si évident que cela. Il faut dire que dans cette seule et unique partie en plaine, nous évoluons sous un soleil de plomb, sans ombre pour nous protéger un tant soit peu. Une route agréable rendue désagréable par ses faux plats se succédant sous une chaleur de mi-journée. Au pied de l’église massive de cette bourgade a été plantée la structure protégeant nos victuailles. Chaque coureur essaie de se protéger de ce cagnard qui nous assomme. On crève tous de chaud malgré la présence de gros nuages blanc nous protégeant de temps à autre des mordants rayons du soleil. J’avale plusieurs quarts de pêches et absorbe pas mal d’eau. Je commence à être cuit. Sachant que nous allons grimper sur le massif du Livradois, pas plus plat que celui du Forez, je crains alors la suite du programme. D’ailleurs, les 25 prochains kilomètres nous feront enchainer trois bosses successives de 5, puis 6 et enfin 5 kilomètres. En plein soleil, sur un bitume fondant par endroit, accroché à une route oscillant entre 3 et 8%, je lutte pour ne pas mettre pied à terre. Je ne dépasse pas les 15 km/h. Je chasse les parties descendantes et les tronçons de plat pour me refaire une santé. Par moment, je suis même obligé de faire tomber le 32 dents pour ne pas être carbonisé. Heureusement, l’organisation est toujours aussi exceptionnelle : à chaque croisement, même pour de simples chemins de terre, l’un des 600 bénévoles, revêtu du T-shirt aux couleurs de l’organisation, nous salue et nous indique la bonne route. Présents tout au long du parcours, ils nous motivent et parfois vous mentent (un tout petit peu) en vous promettant des descentes… qui n’arrivent jamais ! C’est un peu rageant quand on est en pleine souffrance sur le vélo, mais charmant de leur part.
Quatrième ravito. Km 117. Fournols. Pour arriver dans ce magnifique village perché, il faut monter et encore monter. On l’aperçoit au loin, tout au bout d’un virage sans fin. Une fois à ses portes même punition : avant de mériter le ravitaillement tant attendu, une pente bien raide (> 10%) se tortille et vous met à mal votre moral. Au pied de cette dernière souffrance, un triathlète plonge sa tête dans une fontaine d’eau fraiche. Il n’a pas pu attendre le ravito, pourtant distant de cent mètres à peine. Il y arrivera trempé mais revigoré. De là, on repart pour 16 km en direction de Cunlhat. A nouveau un parcours de toboggan nous sert de terrain de jeux. Je commence à en avoir plein les cales ! Je suis de plus en plus cramé. Cramé par la chaleur (>27°C). Cramé par le parcours (déjà 2000 m de dénivelé au compteur). Mais heureux d’être au milieu de ce paysage toujours aussi fabuleux et bucolique. En plus, les jambes ne tournent pas trop mal et aucun incident mécanique n’est à déplorer. On enchainera donc deux nouvelles côtes comprises entre 3 et 6 km pour 5% de dénivelé, puis terminera par une belle descente de quatre bornes.
Cinquième ravito. Km 133. Cunlhat. On y retrouve Jacques Marin, toujours aussi souriant et dispo. Il plaisante avec nous tout en nous encourageant. Un même bonheur d’être présents uni l’acteur et les coureurs. Mais la suite va être coton. Dès les premiers coups de pédales ça grimpe sec. Un peu plus haut, un rapide virage à 90° sur notre droite et nos roues s’engagent dans une ruelle qui nous nargue avec ses 10-12% serpentant dans les dédales de ce village fort agréable. Puis s’ensuit une longue bosse au bitume parfait mais sans un point d’ombre. Le hasard fit que je me suis retrouvé au côté d’un cyclo qui pédale à un rythme bien régulier qui me permet de tailler une bavette. Si la parole revient c’est que la forme est elle aussi de retour. Je me régale même à escalader les dernières côtes gorgées de soleil et garnies de pourcentages réguliers. A tel point que sur la dernière bosse j’augmente ma fréquence de pédalage pour monter les derniers hectomètres de la journée à bloc. Une façon comme une autre d’honorer ce fabuleux parcours, sachant que derrière se profile une belle descente de plus d’une dizaine de kilomètres. Avec mon coéquipier de fin d’épreuve, nous nous en donnons à cœur joie en envoyant nos 52x13. Une route bien large, un revêtement parfait et des virages amples nous permettent d’atteindre une pointe à 70 km/h. Un record pour mon vélo et moi. La vitesse ne nous empêche pas d’admirer le paysage ensoleillé qui défile sous nos yeux. Face à nous le Forez et son plateau boisé. Autour de nous les courbes verdoyantes des monts du Livradois. Un dolmen posé en plein champ de blé domine la plaine. Nous évoluons dans une carte postale aux couleurs estivales. On profite. On déguste. On se régale !
Au bas de cette folle cavalcade cycliste, tout sourire et les cuisses en feu, je me jette dans les rues d’Ambert pour franchir cette ligne tant espérée. Il est 17h00, soit 7h50 après mon passage sous l’arche de départ. Pour un total réel de 7h20 de selle, soit une moyenne horaire de 21,5 km. Je termine 95ème et bon dernier de ma catégorie (30-39 ans). Au classement général cela se transformera en une 653ème place sur 663, à 3h20 du premier arrivé qui a avalé le parcours à 35 km/h. Mais je me fiche bien du classement car j’ai réussi mon pari d’être entré dans les délais pour ma toute première cyclo-sportive (9h05 maximum).
Seule compte la satisfaction d’avoir modestement participé à une course magnifique qui m’a rempli de bonheur !
En conclusion, on ne peut que tirer un grand coup de chapeau au chef d’orchestre de cette épreuve qui sait fêter le vélo dans cet écrin exceptionnel qu’est la Parc Naturel du Livradois-Forez : Christian Miolane.
Une semaine plus tard, recevant le numéro spécial de La Gazette d’Ambert (décidément quelle organisation !), je constate que Pascal Millot a bien participé à la cyclo. Il s’est lancé sur le 123 km et l’a parcouru en 4h30, en comptant les arrêts. Il a du envoyer à plus de 28 km/h ! J’imagine que lui aussi a du profiter de ce parcours sensationnel. Etaient aussi présents deux autres membres du VCMP : Dominique Chatelain et Denis Bolliet. Sans commentaire sur leurs résultats par rapport au mien… Il y a les cracks et l’autre !
Classement des vaillants du VCMP (arrêts inclus) :
Les Copains – 158 km – 2869 m Sylvain Ollier : 7h50’32’’ (653ème/663)
La Forézienne – 123 km – 2282 m Pascal Millot : 4h30’35’’ (167ème/748) Dominique Chatelain : 4h40’50’’ (234/748) Denis Bolliet : 5h04’50’’ (409/748)